Difficile de passer à côté de ce titre de film de Jacques Besnard quand on commence à légèrement tourner en rond en terme de matière rédactionnelle. Non pas que le film soit révolutionnaire dans son approche, mais un bon rire franc et sans arrière pensée ne fait jamais de mal. Voilà ce qui manque un peu ici, le rire spontané. Je ne vous parle pas du rire gras, forcé et tapageur : on rit rarement de ses blagues de caniveau sans, soit un public acquis à votre cause, soit outré au moindre dérapage. Non plus, le rire jaune : il fait ton sur ton en l’occurrence mais il ne résulte que d’un malheur de situation qui vous touche. Le rire fin, me direz-vous ? Il faut un auditoire passablement équipé et sans les intentions, difficile de faire ressentir l’ironie d’un jet ou d’une scène. Alors vient ce rire facile, sans rancune, ni mauvais esprit ; qui faire rire tout le monde, même le moins avisé. Mettez des classiques de la comédie française des années 60-70 et faites semblant de rédiger un scénario pour colmater les béances de l’intrigue, et roule ma poule!
Enfermé, difficile de se dérider. Les rumeurs nauséabondes autour de captation violente de fèces commencent à empuantir les conversations. Freud se régalerait à analyser tous ces stades anaux en fleuraison. Alors on improvise un apéro en ligne avec ceux qui partagent un peu votre consternation, une flasque de Duval ne trahit jamais! On savoure les derniers cours avant quelques jours de vacances, enfermé évidemment, mais surement dans un autre lieux. On s’imagine du changement dans la séquestration alors que rien ne bougera, sauf aux marges. Mais sortir vers un autre pénitencier, c’est déjà sortir du premier. Que doivent pensez ceux qui sont transférés d’une prison à l’autre ? Sont-ils durablement blasés par ce cloisonnement permanent ? Quel monde se créent-ils ? On imagine alors.
On se projette sur le déconfinement, sur la suite, son hébergement, sa garniture, les choix que l’on veut faire à plus ou moins long terme. Quels investissements valent le coups ? Qu’est-ce qui sera perdu à nouveau en cas de retour au bercail ? Quelle implication de soi faut-il encore donner à tout cela ? Faut-il penser toujours au retour sur investissement ? Peut-on encore être un brin insouciant sans inconscience ?
On peste, mais là où l’on voudrait y voir des monstres sans cœur, quelques signes discrets vous révèlent la valeur humaine derrière ces protections contre le contact humain. La conversation se fait par échanges sur les réseaux sociaux avec le staff médical, mais aussi par les plateaux de nourriture, leur facture pour les 14 derniers jours, gentiment posée sur le siège au seuil extérieur de la porte. Et puis, une de ces fameuses poches en carton brillant et vernissé : des petits cadeaux offerts par le quartier de la municipalité et transmis par l’hôtel à notre porte. On se réjouit et on se dit que tout n’est pas si horrible et que oui, ils ont aussi pensé à nous, autrement qu’au travers un échantillon de prélèvement nasal. Reconnaître que cette attention existe, fusse-t-elle fugace et tardive, c’est reconnaitre que l’autre vous voit, vous sait vivant et vous accueille chez lui. Enfin!