#14 Carnet de la Paix Éternelle

Chère P.,

Je suis à moins de deux heures de la libération officielle de ce lazaret impromptu en vallée de loess. Mais depuis deux jours, la ville se rétablit à grand pas pour donner l’impression d’une normalité retrouvée. Le gouvernement local se devait de donner des gages dans la perspective du nouvel an et de ses congés qui démarrent le 1er février 2022. Il y a encore une semaine, la communication était encore très précautionneuse et les conditions nombreuses avant d’espérer une vrai retour à la normal.

Cela fait désormais quatre jours que c’est un peu la foire à la saucisse. Une vraie normalité règne même si les autorités locales trouvent le temps d’ergoter entre « le retour à la normal ne veut pas dire normalisation de la situation » ou encore « 0 cas ne signifie pas 0 risque« . On a rarement vu couverture plus duveteuse et couvrante face au danger qui reflue sans risque avéré de contre coups. A tel point que les digues ont lâché en moins de 48 heures : suppression de l’autorisation préalable auprès du quartier pour quitter la ville, ouverture de tous les commerces, instauration de jauges dans les lieux de loisirs et de tourisme. Et toujours, le tout enrubanné de nombreuses précautions qui viennent contredire l’euphorie ambiante (et les mesures donc!) : « ne sortez qu’en cas de besoins! », « ne vous réunissez pas! ». Les autoroutes périphériques sont annoncées comme partiellement ouvertes et gratuites mais « surtout ne prenez pas la voiture! ». Il sera toujours aisé, par la suite, de dire à une population indocile : « On vous avez (bien) prévenu ».

La normale est donc revenue mais ce sera pleinement officiel que demain. En attendant, le confinement a su imprimer sa marque sur les esprits. La torpeur flotte avec les flocons neigeux comme une nouvelle couche frigorifiante qui en chasse une autre. On sort peu alors, on observe un temps léthargique et grisonnant. On peste contre ceux qui relaient benoitement et avec un jansénisme vulgaire les appels à la plus grande prudence sur les réseaux sociaux. Les réflexes reprennent pourtant très vite : les livreurs de repas font les 3*8 dans les résidences pour consoler les traumatisés de la cuisine maison. Les livreurs de colis reprennent du poil de la bête malgré encore quelques longueurs. Plus rien ne s’oppose à considérer Xi’an comme ville paria, toutes les zones à risques ont été neutralisées en deux coups de cuillère à pot. Les passes sanitaires ont peu changé de couleur malgré les nombreuses menaces brandies lors des tours de test PCR; malheur à qui en aurait raté, ne serait-ce qu’un seul. A l’ouest, (plus) rien de nouveau.

Je t’embrasse.

PDG

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