Non content de me rendre à 十堰 (Shiyan) dans le 湖北 (Hubei), pour fêter le nouvel an en famille, après la visite de la ville en question et du village natale de 鲍峡 (Bao Xia), j’ai l’immense honneur d’avoir été convié à un mariage. Classiquement, la journée en question s’est déroulée à la chinoise : levée dès potron-minet et 盼盼 (Panpan) qui m’annonce que nous quittons la ville de 十堰 (Shiyan) pour nous rendre à un mariage…donc il ne connait même pas les personnes engagées! Encore une fois, les chinois font la démonstration d’une grande improvisation qui suscitera toujours un double sentiment à mon égard : frayeur et admiration. Frayeur, pour cette apparente incapacité à se projeter dans l’avenir très proche ou encore de refuser (sciemment ou non) d’organiser un minimum le déroulement d’une journée. Admiration, parce qu’avec un tel schéma de vie, on fait place à la spontanéité de la vie, à la « surprise » du quotidien, à l’imagination de l’immédiat : on agit toujours en conséquence mais seulement au moment où la chose, l’évènement, le problème se produisent ; peu ou pas d’anticipation. Je peux vous garantir que cela demande un gros effort de remise en question et d’adaptation si l’on souhaite rester vivre en Chine et surtout savoir y vivre.
Une longue matinée de mariage
Alors, comment cela se passe en Chine ? Première déception : nous sommes invités au repas et non à la cérémonie qui a eu lieu plus tôt dans la matinée…bon… . Et donc, je ne pourrais que vous faire part de l’expérience du repas en question, lui aussi un peu différent de nos banquets de mariages. Avant d’atteindre le village concerné, nous faisons un halte à 鲍峡 (Bao Xia), pour prendre le petit déjeuner (à 10h, c’est normal…). Allez hop, on engloutit une 汤面 (Tang Mian – Soupe aux pâtes) et un œuf dur, on souffle 10 minutes et on enchaine pour le mariage en question.
Après 30 minutes de voiture à tombeau ouvert (et après avoir dépassé un cortège d’invités, dont les voitures étaient arrêtées en plein milieu de la route….juste pour prendre le temps de discuter car ils étaient en avance….U-BU-ESQUE!), on arrive enfin au dit village, tout à fait comparable à celui de 鲍峡 (Bao Xia), un village somme toute classique. Nous atteignons ensuite le restaurant où se déroule le repas du mariage.
Premier constat : il y’a plus d’invités que de tables circulaires disponibles, mais comment les chinois gèrent-ils ça ? Tout simplement : une fois qu’une table a fini de manger, les convives quittent le restaurant et font place à de nouveaux convives. Je constate donc que même le repas de mariage est comparable à l’habitude pour les chinois à manger en 5 minutes, montre en main, et de se barrer : on mange, on se casse et c’est tout! Alors forcément, vous pouvez inviter le village entier, y’aura toujours de la place, puisque cela tourne! On s’installe à une table, on nous offre un paquet de cigarettes pour toute la table, une bouteille d’alcool blanc et une corbeille de graines en tout genre (graines de tournesol, de pastèques etc) afin de grignoter gaiement tels des oiseaux avant l’arrivée des plats.
Ma présence sur place détonne forcément, puisque je suis le seul étranger à table, et l’on se presse déjà pour venir trinquer avec moi. Le responsable de la police locale, le responsable de l’administration, les invités anonymes, tous veulent vider le godet avec moi, à raison de 2 shooter pour chacun (ça devait être une règle implicite ou je ne sais quoi, mais c’était minimum 2 culs-secs). Voyant l’engrenage dans lequel je venais de mettre le doigt, la famille de 盼盼 (PanPan) s’est vite affolée de la rapidité avec laquelle les verres descendaient, et s’empressait de remplacer un verre sur 3 d’alcool blanc par de l’eau bouillie, histoire de diluer. Mais quelques convives ne s’y sont pas laissés prendre, et prenaient alors mon verre (à liqueur je précise, c’était pas des pintes!), le vidaient puis le remplissaient eux-même d’alcool blanc pour trinquer à nouveau. C’était stressant car j’avais peur que par ce subterfuge, je ne vexe les convives (ils n’en prirent nullement ombrage en fait), mais très amusant en même temps de voir leur étonnement à me voir descendre aussi facilement leur alcool.
Dans ce genre de situations où le self-control est de mise, je soupçonne mon corps de déployer une résistance particulière du fait de l’ « hostilité » de la situation : donc je n’avais en rien l’impression d’être bourré, et je pense sincèrement que je ne l’étais pas ^^. Et pourtant, j’en ai descendu des verres! En attendant, les plats s’amoncelaient sur la table, et je ne perdais pas une occasion pour m’en mettre plein la lampe.
En attendant l’arrivée des mariés, un des convives s’occupe de « chauffer » la salle en plaçant quelques harangues dont je ne saisis pas le moindre mot mais qui ont le mérite de faire effectivement réagir l’audience qui s’esclaffe à chaque fin de tirade.
Le repas se terminera 1 heure après, et d’autres convives s’installent immédiatement après que nous avons libéré la table. Le bedaine au bord de l’explosion et une légère euphorie (bah ouais, ça fait quand même un peu effet le 白酒 [Bai Jiu – Alcool blanc]) seront le résultat d’un repas de mariage chinois, mon tout premier. J’ai même eu le droit de trinquer avec les jeunes mariés, arrivés juste avant notre départ, habillés comme au quotidien ( j’imagine que la robe a du être portée 20 minutes en tout et pour tout…encore une grosse différence par rapport à la France). Note : les mariés « trichent » en trinquant car en fait leur bouteille d’alcool est remplie d’eau (m’a-t-on dit) afin de pouvoir trinquer avec tout le monde sans tomber en coma éthylique dès la 2e tournée de table (pragmatiques ces chinois, encore et toujours^^).
Une après midi à 龙潭河 (Long Tan He)
L’après midi sera consacrée à la visite du parc de 龙潭河 (Long Tan He) que je traduirais très maladroitement par « La profonde rivière du dragon » mais je me trompe très certainement….on s’en fout en fait! Classique des parc forestiers Chinois, ce n’est pas le premier que je visite : il y’a eu 太平 , 祥峪森林, 朱雀 tous dans le 陕西 (Shaanxi) , la montagne 庐山 (Lu Shan) dans le 江西 (Jiang Xi), La Montagne Pourpre à 南京 (Nankin)… L’attraction est classée AAAA par le ministère du tourisme chinois, un cran au dessous du classement UNESCO. Le ticket d’entré est de 50Y mais je crois que cela inclus la réduction étudiante, ce n’est pas moi qui l’ai acheté. Étant en période de préparation du nouvel an chinois, les chinois voyagent peu pour visiter, si bien que nous sommes les seuls à profiter du parc forestier, sous un soleil printanier très agréable.
Comme je le disais précédemment, le parc en soi ne détonne pas par son originalité ni par sa structure : on traverse la forêt et son cours d’eau principal, parsemé de petits ponts plus ou moins (plutôt moins que plus d’ailleurs) naturels. Mais ce jour là, l’absence d’autres visiteurs, l’ensoleillement, m’ont permis de profiter de paysages et couleurs époustouflantes. Les photos prises (mauvaises pour la plupart, de toute façon je déteste prendre des photos) trahissent la beauté réelle et l’atmosphère si sereine qui se dégageait de ce parc. L’eau de la rivière et de l’étang principal était une d’une limpidité extraordinaire.
Après quelques volées d’escaliers, nous atteignons le sommet du parc où trône un petit temple taoïste (avec son moine inclus). En 1h de randonné, la visite est donc bouclée. On redescend tranquillement et profitons de la luminosité déclinante du soleil.
La ballade terminée, nous reprenons la voiture et regagnons rapidement la ville de 十堰. Le lendemain, nous nous rendrons à 鲍峡 (Bao Xia), le village natale, pour y préparer les festivités du nouvel an chinois. En attendant 🙂