Cher ami,
Depuis la première missive, je ne t’ai pas tenu au courant du dénouement des évènements de Xi’an. Ça y est! Depuis hier, clap de fin et déconfinement total officiel au 25 janvier 2022. Quand les réseaux sociaux l’annonçaient, le gouvernement local le démentait alors que c’était sa propre méthode calcul qui était appliquée. Déjà six jours sans nouveaux cas. Les veillées de la fête du Printemps s’annoncent donc sereines. Le 1er février toute la Chine entrera en communion culturelle pour l’équivalent de notre Noël. Quelques boutiques n’ont pas pris la peine de rouvrir, soit pour faire la liaison, soit pour raison de désastre économique. Seule la rentrée permettra de visualiser un peu l’étendu des petits dégâts du quotidien.
Les habitants se faufilent dans les gares routières aux alentours. Le balais de valises fuchsias brillantes a repris. On se hâte, trop heureux de cette libération inespérée avant les fêtes. La météo n’accompagne pas le mouvement et un couvercle de béton fumeux écrase la ville de son crachin londonien. Tout est terne et délavé, la machine vomit son trop plein dans le caniveaux. On patauge avec l’allégresse d’un retour qui a failli être impossible, qu’importe les salissures climatiques après tout.
Tout le monde porte scrupuleusement son masque, certains sont parfois doublés, souvent râpés, ne protégeant que les apparences. On scanne à nouveau des codes QR pour activer notre pass sanitaire en temps réel et géolocalisé. Il sera facile de retracer le moindre de nos pas en cas d’épidémie nouvelle. Les restaurants rouvrent alors s’y essaie, pour tester, pour y toucher enfin et chasser l’illusion de l’euphorie. Une chaîne de restauration rapide spécialisée dans les nouilles froides à la crème de sésame (麻酱凉皮) et au sandwich à la viande (肉夹馍 – Rou Jia Mo); mon pêché mignon comme premier pas dans la réalité.
Clap de fin, dis-je pour ces carnets. Mais je ne cesserai pas de t’écrire ainsi qu’à d’autres. Je souhaite te montrer régulièrement et avec plus de profondeur mes observations du réel et mes suggestions du fantasme. Les choses ont bien changé ici. J’ai l’impression de vivre, non pas dans une autre dimension, mais dans une planète sise sur la Terre. Une terre où certaines logiques brisent la logique pour devenir politique dans leur essence et non plus dans leur interprétation. Une terre où des contes fantasmatiques sont narrés au point de tromper surement certains de leurs conteurs. Une terre pleine d’une indocilité tapie et si frémissante qu’il faut en scruter la finesse des plis pour la déceler. Une terre où tout tourne rond mais avec une définition politique de ce qu’est la rondeur géométrique. Alors garde bien les yeux ouverts car je pense pouvoir t’offrir quelques réflexions sur un monde que n’aurait pas rejeté Lewis Caroll.
Bien à toi, cher ami
PDG